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Le code de la famille : quels sont les rôles des organisations islamiques?


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    Je préfère la rivière au lac. Et la mer sans horizon à la rivière.

    On en sait plus sur les revendications des associations islamiques proches du PJD, et de celles qui ont fait allégeance à cet étrange et défunt cheikh Yassine qui continue de faire du remous d’outre-tombe. Ces ligues, qui se prétendent féministes, ont été reçues la semaine dernière par l’Instance gouvernementale chargée de la réforme du Code de la famille et ont déposé un mémorandum de plusieurs dizaines de pages, un véritable programme politico-anthropologique contre les tentatives de modernisation de la société marocaine.

    De quoi s’agit-il? D’abord, de faire baisser l’âge légal de mariage de l’adolescente à seize ans, alors qu’il est officiellement arrêté à la majorité de dix-huit ans révolus dans le Royaume chérifien. Oui, je sais, comme vous, que des gamines sont mariées à quinze ou quatorze ans par des juges inconscient(e)s. Je ne me fais pas d’illusions sur la qualité, la valeur des jugements. Ces femmes et ces hommes magistrats ne seront jamais inquiétés. J’espère seulement qu’ils/elles font face, dans leur conscience intime, à leur responsabilité d’avoir détruit des vies innocentes.

    Le taux de mariage d’adolescentes au Maroc a atteint 14% du total des actes entre 2015 et 2021, selon le ministère de la Justice.

    Le plus souvent, ces filles tombent enceintes, ou sont surprises par leurs familles dans une relation sexuelle, perdent leur virginité (ou pas) et sont acculées au mariage. Pour taire la chouha, les parents les forcent à se marier avec des garçons jeunes ou des hommes adultes pris, eux aussi, au piège de la tradition que j’ose qualifier de permissive et pédophile. Pour sauver l’hymen devant le qu’en-dira-t-on, on sacrifie des adolescentes, voire des enfants. On entraine aussi des garçons à vingt ans, sans travail, sans études, dans les limbes de l’échec social, et le châtiment communautaire qui va avec.

    Ces associations islamiques confondent liberté sexuelle à seize ans, comme en Angleterre, en France ou en Suède (exemples qu’elles ont donnés devant l’Instance), et mariage. Elles sont dans l’axiome sexe = mariage. Or, il est interdit de se marier avant l’âge de dix-huit ans révolus dans tous ces pays.

    Selon les statistiques des Nations unies, à l’échelle mondiale les femmes se marient à vingt-trois ans, quand les hommes se marient à vingt-six ans. Ces âges en Europe et aux États-Unis deviennent vingt-neuf, trente ans pour les femmes et trente-deux, trente-trois ans pour les hommes, lorsque les études, l’insertion professionnelle et sociale sont achevées.

    Au Maroc, selon le Haut-Commissariat au plan, l’âge moyen au premier mariage est de vingt-cinq ans et demi pour les femmes contre trente-et-un et demi pour les hommes, ce qui représente un écart de six ans. C’est une statistique qui se rapproche du reste du monde. Il faut empêcher celle-ci de chuter, et refuser les forces obscurantistes de la rabaisser.

    Une fille peut commencer une vie sexuelle à seize ans, ou un flirt à quinze ans, notamment avec un jeune de son âge. L’aptitude sexuelle n’est pas le mariage. Seulement, il faut tolérer la contraception pour les jeunes, légale en islam dans un couple marié, mais malheureusement pas hors mariage, et permettre à nos jeunes de s’amuser sans s’offusquer (ce qu’ils font de toute manière sans attendre l’autorisation des adultes), ce qui leur permet de dompter leur sexualité, de concilier nature et culture, pour une socialisation non axée exclusivement sur le désir et le sexe.

    Se marier à seize ans pour une fille, comme le demandent les associations en question, c’est quitter l’école, c’est ne plus pouvoir travailler après, et s’occuper d’enfants alors qu’on en est encore une; à seize ans, la psychologie féminine n’est pas encore accomplie pour devenir épouse et mère. Devenu légal, l’âge de mariage à seize ans va encourager toute forme d’abus. La notion de «majorité» a un sens.

    Cela nous rappelle étrangement l’OPA juridique esquissée par le PJD durant ses deux mandats au gouvernement pour rabaisser l’âge de travail à seize ans, pour mettre des enfants dans la rue au lieu de les encourager à étudier et à se construire. L’âge minimum des travailleurs est consigné officiellement à dix-huit ans révolus au Maroc, sauf cas de force majeure.

    On se souvient qu’il aura fallu le cri de désespoir de la princesse Lalla Meriem, présidente de l’Observatoire national des droits de l’enfant (ONDE), pour demander à la société civile de se mobiliser contre cet amendement esclavagiste des enfants. Le PJD s’était rétracté et avait abandonné son idée folle d’ouvrir légalement et tous azimuts le travail aux adolescent(e)s.

    Alors que le Royaume essaie de tirer vers le haut mille cinq ans de traditions mitigées, voilà que des associations islamiques cherchent à nous replonger dans le néant abyssal au 21ème siècle.

    La seconde revendication de ces associations féministes concerne la polygamie. Elles militent corps (surtout) et âme pour que le Code de la famille revienne sur les minces acquis obtenus il y a vingt ans. Pour rappel, la polygamie est conditionnée chez nous par une autorisation de l’épouse légitime, couplée à une décision du juge qui décide du bien-fondé de la requête (santé de l’épouse ou incapacité d’avoir des enfants, etc.).

    Les mariages polygames ont également augmenté au Maroc en passant de 658 cas en 2020 à 1.046 en 2021, toujours selon le ministère de la Justice.

    C’est peu de cas, mais ces mariages étonnants proliféreront si les doléances des associations islamiques sont prises au sérieux.

    Il n’y a pas si longtemps, dans les universités marocaines, on pouvait voir ces processions de jeunes étudiantes voilées qui manifestaient, dans le mouvement du cheikh Abdeslam Yassine, pour appuyer la polygamie. C’était tragique à comprendre. De jeunes filles qui militent pour prendre la place d’une première (ou deuxième) épouse souvent avec des enfants, sous prétexte de la religion. Cette dernière est claire: elle a restreint, en son temps, le harem des hommes à quatre épouses au lieu des dix ou quinze qui étaient monnaie courante chez les bourgeois. Au 21ème siècle, la société a changé et il y a lieu de bannir cette pratique de notre culture. Les femmes qui demandent aujourd’hui le retour à une polygamie libre veulent ouvrir la boite de Pandore.

    Les associations en question demandent également le maintien de l’article 16 du Code de la famille, qui pose problème pour la jurisprudence. Celui-ci permet de contourner le règlement. J’ai eu l’occasion de dénoncer dans une précédente chronique la loi 16 qui régularise les mariages des mineures, ou encore la polygamie, célébrés en dehors des formes prescrites par la loi contraignante des dix-huit ans révolus, par la seule récitation de la Fatiha. Cet amendement est reconduit tous les cinq ans depuis 2004 car il permet d’absorber les unions réalisées en catimini, surtout dans le monde rural et à l’étranger. Il contribue certes à donner un état civil aux enfants en reconnaissant le mariage des parents. Mais c’est une porte ouverte à tous les excès.

    Quel Maroc voulons-nous pour les vingt prochaines années?

    Ces associations féministes islamiques, auxquelles l’Instance chargée par SM le Roi de faire des propositions sur la réforme du Code de la famille ont déroulé le tapis rouge, sont des leurres; elles sont poussées par le PJD et les forces rétrogrades à représenter la femme et ses droits. Quelle méprise! Quel piège civilisationnel! Elles souhaitent instaurer un statu quo d’abus sur les mineures, et sur les familles composites, qui devrait être accepté par trente-sept millions de citoyen(ne)s.

    Le mariage des mineures, la polygamie et l’article 16 du Code de la famille sont en deçà de la société déjà en avance vers de nouveaux horizons modernes.

    Arrêtons cette «tradition et modernité» vantée dans le Royaume, collapse d’une entreprise insoluble et summum du paradoxe. Et si on allait vers la modernité, tout simplement, sans peur, en écoutant la société qui devance, et de loin, les lois qui la régissent?

    Il faut une agilité entre la charia et le droit positif. Personne n’est dupe. Ces associations en question, auxquelles on accorde encore du crédit, sont le fer de lance d’une vision rétrograde qui souhaite nous ramener à une vie de bergers puisée dans des séries télévisées historiques, subventionnées par le Moyen-Orient, ou des prêches d’imams dangereux, qui font l’apanage de cheikhs riches et malades qui ne bandent plus et alimentent leur fantasmes de nubiles et de femmes multiples.

    Ces associations sont poussées pour représenter la charia, sans jamais s’intéresser au train en marche du vrai féminisme dans le monde. Ces forces rétrogrades vivent encore à des époques révolues, et travaillent l’agenda de la vente du corps des jeunes femmes.

    Tout ce qui sera décidé d’obsolète dans cette réforme de 2024 sera porté comme un deuil, ou une pénitence, pendant les vingt prochaines années. On ne joue pas avec une société. Avec ses femmes, ses enfants, ses hommes.

    Je leur dis: notre Maroc éclairé n’est point le vôtre. Laissez vivre les femmes et les hommes en harmonie avec leur temps. Point de régression. Vos pensées sont criminelles.

    Ces groupuscules pensent qu’il suffit de mettre en avant quelques femmes pour se réclamer féministes. Or, il n’en est point ainsi.

    Il y a tant d’autres demandes hallucinantes dans le mémorandum des associations islamiques remis au gouvernement, nous en reparlerons...

    Ne soyons pas un lac sans mouvement. Le Royaume est une rivière qui coule, avec une majorité d’hommes et de femmes à la vie libre. Ne tentons pas le Diable. Ne laissons pas remonter les pensées archaïques des oubliettes de l’Histoire.

    Rejoignons le peloton des sociétés modernes. Cela nous permettra de ratifier définitivement certaines lois de l’ONU sur lesquelles le Maroc s’est engagé depuis deux décennies.

    Croyons en nos ambitions. N’ayons pas peur d’affronter la liberté sexuelle. Abolissons le mariage des mineures et la polygamie. Ils sont source d’interprétations multiples dans le Coran et peuvent être supprimés sereinement par l’Instance de la réforme du Code de la famille. Encourageons nos enfants à ne pas se marier à un âge précoce, ce n’est pas raisonnable. Poussons-les à finir leurs études, à travailler dignement, à rêver à autre chose qu’au mariage. Aidons-les à développer un Maroc moderne, à vivre dans leur temps.

    La mer, ah la mer...

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    Author: Rachel Farley

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